« Avoir un cadavre dans le placard » ou les secrets de famille

Nous connaissons tout-e-s cette expression qui nous vient de l’anglais : « skeleton in the closet » ou « skeleton in the cupboard ».

Il signifie que toute personne grandit au milieu de secrets de famille et qu’en faire la révélation risque d’être préjudiciable pour les intéressés.
Si bien, qu’il s’agisse de squelette ou de secrets de famille, ceux-ci sont souvent bien gardés. Du-moins le pense-t-on.

Dans notre travail d’accompagnement des professionnels dans leur évolution de carrière, il nous arrive régulièrement d’inviter les personnes à revenir sur leurs souvenirs et sur ce qui a pu les enrichir dans leur histoire de vie.
Il peut-être en effet utile d’identifier ce qui dans telle ou telle branche familiale a pu inspirer son fonctionnement, sa personnalité ou ses convictions. Il arrive aussi parfois que revenir sur des événements passés contribue à recouvrer l’énergie et la confiance en soi pour évoluer vers de nouvelles fonctions.
J’ai le souvenir d’une professionnelle qui avait repris confiance en ses talents relationnels et communicationnels avant un entretien de carrière avec sa N+1. Elle s’était remémorée les occasions heureuses où elle accompagnait son père organisateur des arbres de Noël de la société dans laquelle il exerçait des fonctions de formateur technique.

Il ne s’agissait peut-être pas de secrets de famille, seulement de souvenirs oubliés. Quoique.

Face aux secrets, il est un paradoxe fréquent. Beaucoup aspirent à voir dévoilés les secrets de famille en particulier lorsqu’ils concernent nos proches. Cependant, il advient aussi que confrontés à devoir révéler un événement douloureux, chacun préfère l’esquiver.
Je me souviens de cette femme admirable, me confier comment l’agression par l’un de ses proches à l’âge de onze ans avait interrompu son sentiment de croissance, sa confiance en ses talents et l’affirmation de soi.

Alors dire ou ne pas dire ? telle est peut-être la question.
La révélation ne risque-t-elle pas de provoquer de nouveaux dégâts ?
Comment se relever de ces révélations ?

Lors d’un colloque à Laval début juillet intitulé E-thique, se tenaient les Assises nationales Ethique et Technologies du futur.
A cette occasion, j’ai eu le plaisir d’écouter Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, intervenir sur ce thème.
Curieux d’en savoir davantage, je me suis procuré deux ouvrages traitant des secrets de famille*.

Avant de vous encourager à découvrir Tisseron par vous-même, j’ai eu envie de partager avec vous ce que j’ai retenu de ces lectures.

Tout d’abord, que des secrets qui relèvent de l’intimité n’ont pas forcément à être partagés aux proches, en particulier auprès des enfants.

Secundo que les secrets même anciens et bien gardés peuvent avoir des répercussions sur plusieurs générations. En effet, et sans en connaître le contenu, l’enfant parvient rapidement à déceler que quelque chose s’est passé auquel il n’a pas accès et dont il pourrait être responsable. Les silences, ou les refus d’explication, par exemple, lorsqu’ils se traduisent par des changements d’attitude, des réactions incompréhensibles (colère, gène, tristesse) même discrets induisent à terme des injonctions contradictoires (deviner sans pouvoir y parvenir). De cette impossibilité, peuvent naître des troubles dans la construction du psychisme qui peuvent se répercuter sur plusieurs générations.

Tertio et en guise de conclusion : l’enjeu n’est pas tant le secret à révéler, dont les témoins ont d’ailleurs parfois disparu, que la nécessité de communiquer entre les membres de la famille, de manière à libérer l’enfant du poids d’une culpabilité injuste et infondée.

Voici ce que je voulais vous partager. Les secrets n’ont pas vocation à le rester, nous pouvons nous libérer de leurs conséquences générationnelles. Les travaux de recherches en sciences sociales et les écrivains nous y encouragent.

Et pour finir par une note plus légère, je vous invite à découvrir, comme Tisseron, le fit le premier, le secret familial bien gardé de Hergé, par la seule lecture des albums de Tintin. Vous pourrez aussi vous régaler de Pagnol à travers l’écriture de ses souvenirs d’enfance, en particulier : Le temps des Secrets.

Bonnes lectures et bonnes révélations à vous-mêmes

 

*Nos secrets de famille Ramsay Paris 1999 ; Les secrets de famille PUF Que sais-je ? 2011

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